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30/10/2025 (Modifié le 31 oct. 2025 à 15:57:02)

ADN et fichage policier : connaissez-vous vos droits en cas de demande de prélèvement biologique ?

Le casse du Louvre, suivi quelques jours plus tard de l’interpellation de plusieurs suspects, l'a rappelé : l'ADN est devenu un outil d'enquête incontournable pour identifier et confondre les auteurs d'infractions. Mais que se passe-t-il concrètement si les forces de l'ordre vous demandent un prélèvement biologique ? Cette demande peut intervenir lors d'une garde à vue, d'une audition libre, ou après une condamnation. Pourtant, entre les obligations légales françaises et la protection européenne, le cadre juridique reste complexe. Mieux vaut connaître précisément vos droits et les procédures applicables pour aborder sereinement cette situation.

 

Le cadre juridique du prélèvement ADN : comprendre vos droits et les sanctions encourues

La réglementation sur les prélèvements biologiques se trouve à la croisée du droit français et européen, avec des contradictions importantes :

  • Après une condamnation : A la suite d’une condamnation, vous pouvez être convoqué sur réquisition du Procureur, dans un délai d'un an après la fin de votre peine. Cette convocation intervient au commissariat ou à la gendarmerie de votre domicile. Vous ne pouvez plus vous opposer à un prélèvement.

 

  • Avant un jugement : vous avez la liberté de refuser mais une sanction pourrait éventuellement s’appliquer ! Lors d'une garde à vue ou une audition libre, vous êtes libre de refuser le prélèvement ADN. Toutefois, l'article 706-56 du code de procédure pénale prévoit une sanction : 1 an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende en cas de refus.

 

  • La spécificité de la protection européenne : depuis janvier 2023, la Cour de justice de l'Union européenne interdit la collecte systématique sans que l'autorité ne démontre que le prélèvement est absolument nécessaire et qu'aucune mesure moins intrusive n'est possible. En l'absence de justification, le refus ne devrait donc pas être sanctionné.

Attention : bien que la décision européenne s'impose aux juges français, certains tribunaux continuent de condamner pour refus. Un appel devient alors indispensable pour faire respecter vos droits.

La vie de vos empreintes génétiques : du fichage au droit à l'oubli

Vos empreintes génétiques sont centralisées dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) avec vos informations personnelles, pour des durées variables selon votre situation :

  • Conservation longue durée, selon la gravité : les données sont conservées entre 15 et 25 ans pour les personnes mises en cause, et entre 25 et 40 ans pour les personnes condamnées, selon la gravité de l'infraction. Seuls les personnels habilités de la police, gendarmerie et certains organismes internationaux peuvent consulter ce fichier.

 

  • Délais pour demander l'effacement : même si vos données sont conservées pour une longue durée (15, 25 ou 40 ans), vous pouvez demander leur effacement anticipé. Cette demande n'est possible qu'après avoir attendu 3 ans minimum si la durée totale de conservation prévue est de 15 ans, 7 ans minimum si elle est de 25 ans, ou 10 ans minimum si elle est de 40 ans. Si vous avez été relaxé, acquitté ou avez bénéficié d'un non-lieu, vous pouvez demander l'effacement immédiat sans attendre (bien que cet effacement ne soit malheureusement pas automatique en pratique).

 

  • Procédure et recours en cas de refus : adressez votre demande au Procureur de la République de votre domicile par lettre recommandée ou déclaration au greffe, ou bien directement sur service-public.fr. En cas de refus ou de non-réponse, saisissez le juge des libertés et de la détention, puis le président de la chambre de l'instruction. Si votre demande reste bloquée, la CNIL peut débloquer votre situation.

 

Les demandes de prélèvements biologiques soulèvent des questions complexes entre respect des libertés individuelles et nécessités judiciaires. Le droit européen renforce la protection des citoyens, mais son application reste inégale. Face à ces situations, un accompagnement juridique peut faire la différence. Vous-même, ou un proche, êtes confronté à une demande de prélèvement biologique ?

 

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