Communiqué
25/07/2022 (Modifié le 29 sept. 2022 à 16:16:58)

Les honoraires de l’avocat en 12 questions

Nombreux sont les avocats et les clients qui ignorent les méandres du droit applicable aux honoraires. Compte tenu de l’abondance du contentieux en la matière, cette méconnaissance pourrait emporter des conséquences financières et mettre en péril la bonne intelligence de leurs relations. Maîtriser cette matière conduit à la justesse et à la justice dans la détermination et le recouvrement des honoraires, tant d’un point de vue préventif que curatif.

Tout travail mérite salaire, dit la sagesse populaire. Pour les avocats, tout travail mérite honoraires. Cela se comprend d’autant plus que les clients les chargent d’enjeux substantiels, et que le métier et la formation sont exigeants. Le droit à l’honoraire a été légalement consacré par la loi n° 57-1420 du 31 décembre 1957 sur le recouvrement des honoraires des avocats puis réaffirmé et renforcé par les lois n° 70-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions, n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l’aide juridique et n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Malgré le caractère libéral de la profession, les honoraires de l’avocat sont très encadrés, notamment concernant leur détermination et leur recouvrement. Pour des considérations pratiques, cette synthèse se présente sous la forme de questions-réponses, sur les points suivants relatifs aux honoraires : la convention (I), la détermination (II), les barèmes (III) et les procédures (IV).

I – SUR LA CONVENTION

Le défaut de signature d’une convention d’honoraires par le client prive-t-il l’avocat du droit de percevoir des honoraires pour ses diligences ?

NON. En principe, la convention d’honoraires est obligatoire dès que l’avocat est saisi par le client, sauf urgence ou force majeure ou aide juridictionnelle totale. Elle répond à un objectif d’information préalable du client, qui s’appuie notamment sur les articles L. 441-6 du Code de commerce, L. 112-1 du Code de la consommation et 11.1 du règlement intérieur national de la profession d’avocat ; l’avocat a l’obligation d’informer préalablement le client sur les conditions de fixation de sa rémunération. La convention d’honoraires précise le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences, frais et débours prévisibles. Elle peut être conclue par un échange non équivoque de mails entre l’avocat et son client. La convention, insuffisante à elle seule, ne saurait toutefois se substituer aux documents de facturation.

En tant que documents essentiels au règlement, les notes d’honoraires, de débours, de frais et d’émoluments des avocats doivent être détaillées. Cela signifie que les diligences doivent être précisées de manière suffisante, la mention « suivi du dossier » ne l’étant pas – il est rappelé que toute prestation professionnelle doit être facturée, sous peine d’amende d’un maximum encouru de 750 000 €, comme l’affirme l’article L. 441-9 du Code de commerce. La note doit également correspondre aux exigences de l’article L. 441-3 du Code de commerce car « ne peuvent constituer des honoraires librement payés après service rendu ceux qui ont été réglés sur présentation de factures ne répondant pas aux exigences [de cet article], peu important qu’elles soient complétées par des éléments extrinsèques », le client peut alors en solliciter la réduction. En dépit des irrégularités de la facturation au regard de ce texte, le juge de l’honoraire en fixe le montant conformément aux critères légaux de fixation de l’honoraire, en vertu de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 19717.

« L’honoraire de l’avocat est la légitime rémunération du travail fourni et du service rendu » a pu énoncer l’article 29, 1°, du règlement intérieur du barreau de Paris de 1963. Il s’ensuit que, par exemple, la relation d’amitié entre l’avocat et son client ne s’oppose pas à ce que l’avocat perçoive une rémunération lorsque son travail dépasse la simple consultation gracieuse ; mais, dans le cas de la famille proche, la haute juridiction opte pour une solution inverse. Ainsi, de manière générale, nonobstant le défaut de signature d’une convention d’honoraires par le client, l’avocat a bien droit à perception de ses honoraires pour les diligences qu’il a accomplies si elles sont établies.

Cependant, les diligences de l’avocat ne peuvent être rémunérées si celui-ci a déclaré que « sa mission ne serait engagée qu’à la réception d’un exemplaire de la convention signée, accompagnée du règlement de la provision fixée, et que ces conditions n’avaient pas été remplies en raison du refus » du client.

En présence ou non d’une convention d’honoraires signée par le client, le juge de l’honoraire dispose-t-il d’une marge d’appréciation dans la détermination de la rémunération de l’avocat ?

OUI. Avant tout, il faut souligner que le premier président ou le bâtonnier doivent se fonder sur une règle de droit et non à l’équité pour trancher un litige d’honoraires. Le juge a le pouvoir de réduire les honoraires convenus initialement entre l’avocat et son client lorsque ceux-ci apparaissent exagérés au regard du service rendu ; le bâtonnier, en première instance, puis le premier président, en appel, exercent alors un pouvoir souverain de fixation du montant des honoraires, sans que cela ne dénature pour autant la convention ; le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis d’une convention.

En cas de caducité de la convention d’honoraires, suite au dessaisissement de l’avocat ou à défaut de fixation conventionnelle des honoraires, le juge de l’honoraire se réfère alors aux critères posés par les alinéas 3 et 4 de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, conformes au principe d’égalité des citoyens devant la loi : la situation de fortune du client, la difficulté de l’affaire, les frais exposés par l’avocat, sa notoriété et les diligences de celui-ci. Néanmoins, la convention qui prévoit les modalités de la rémunération de l’honoraire de diligences de l’avocat en cas de dessaisissement de celui-ci doit recevoir application.

Par ailleurs, pour rappel, les critères énoncés par l’article 11 du règlement intérieur national de la profession d’avocat sont les suivants : le temps consacré à l’affaire, le travail de recherche, la nature et la difficulté de l’affaire, l’importance des intérêts en cause, l’incidence des frais et charges du cabinet auquel il appartient, sa notoriété, ses titres, son ancienneté, son expérience et la spécialisation dont il est titulaire, les avantages et le résultat obtenus au profit du client par son travail, ainsi que le service rendu à celui-ci, la situation de fortune du client.

Les honoraires payés après service rendu, c’est-à-dire en toute connaissance de cause, ne peuvent plus être réduits par le juge de l’honoraire ; cette connaissance résulte du fait que le principe et le montant des diligences ont été acceptés après services rendus. Le règlement partiel de la note après service rendu et le fait de demander un délai pour régler le solde entraînent l’acceptation de celle-ci. Un paiement partiel de la note d’honoraires pour services rendus et une demande de délai entraînent l’acceptation de celle-ci ; de même, un paiement d’honoraires spontané sans réserve, après services rendus, exclut toute réduction ou restitution d’honoraires.

L’avocat ou le client peuvent-ils demander l’annulation de la convention d’honoraires pour consentement vicié ?

OUI. La théorie des vices du consentement s’applique à la convention d’honoraires. En ce qui concerne le client, une convention d’honoraires a été annulée au motif de son état de faiblesse psychologique ou de contrainte morale. Pour ce qui est de l’avocat, le caractère libéral et indépendant de la profession d’avocat ainsi que ses principes de dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ne s’opposent pas à ce qu’il puisse invoquer, à l’encontre de son client, un vice du consentement de la convention d’honoraires ; il suffit, conformément à l’article 1143 du Code civil (anciennement 1111), de prouver l’état de dépendance économique de l’avocat envers son client et l’avantage manifestement excessif que celui-ci en tire ; l’avocat peut alors obtenir la nullité de la convention d’honoraires et ses honoraires sont alors fixés selon les critères légaux susmentionnés.

 

II – SUR LA DÉTERMINATION

Le taux horaire facturable au prix annoncé par l’avocat est-il applicable à des prestations qui pourraient ne pas être considérées comme un « travail intellectuel » ?

OUI. Le critère essentiel du droit à l’honoraire est celui des diligences accomplies par l’avocat. Même en l’absence de convention d’honoraires, l’application du tarif horaire sur les courriels et appels téléphoniques « constitue autant de moyens pour l’avocat afin d’obtenir la communication d’informations utiles à la poursuite de sa mission et d’informer son client et les autres parties en présence de l’évolution du dossier ». Les « prestations constituées par l’examen d’un document, les recherches en bibliothèque, les communications téléphoniques et entretiens avec le client ainsi que les correspondances, le travail préparatoire à la rédaction d’une assignation ou la recherche d’une conciliation, la préparation et la tenue d’une conférence de presse » ont pu être considérées comme des diligences pouvant donner lieu à rémunération. Sont exclues les diligences manifestement inutiles.

Est-il possible de prévoir un honoraire de résultat largement supérieur à l’honoraire de diligences ?

OUI. Il convient de rappeler l’interdiction faite aux avocats en vertu, d’une part, des articles 10 de la loi du 31 décembre 1971 et d’autre part, des articles 11.3 et 21.3.3.1 du règlement intérieur national de la profession d’avocat, de conclure un pacte de quota litis, c’est-à-dire une convention qui déterminerait l’honoraire sur la base du seul résultat attendu par le client. L’honoraire de résultat ne peut, toutefois, présenter un caractère manifestement dérisoire par rapport à l’honoraire de diligences, ce qui rendrait illicite la convention ; un honoraire de diligences correspondant à 1,49 % de l’honoraire de résultat a pu être considéré comme manifestement dérisoire.

L’honoraire de résultat peut-il être dû cumulativement pour la première instance et l’appel, lorsque deux conventions d’honoraires distinctes ont été conclues ?

NON. Pour une même cause, dans l’hypothèse d’un résultat identique, l’honoraire de résultat ne peut être cumulativement dû pour l’appel et la première instance, en dépit de la conclusion de deux conventions d’honoraires pour chacune de ces procédures. En effet, l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dispose que « l’honoraire de résultat prévu par convention préalable n’est dû par le client à son avocat que lorsqu’il a été mis fin à l’instance par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable ». La créance d’honoraire de résultat naît après décision irrévocable, laquelle est constituée, en cas de pourvoi en cassation, par l’arrêt d’appel rendu par la cour d’appel de renvoi. Naturellement, elle peut également naître d’un accord transactionnel y mettant fin.

 

III – SUR LES BARÈMES

Le juge de l’honoraire peut-il se référer à des barèmes lorsqu’il fixe la rémunération de l’avocat ?

NON. Il est interdit au juge de l’honoraire de fixer la rémunération de l’avocat en fonction d’un barème tarifé « sans rechercher les diligences accomplies (…) et sans apprécier l’importance et la qualité du travail réalisé ». Il ne peut s’y référer dans ses décisions.

Un ordre peut-il publier un document indicatif des honoraires pratiqués par les avocats de son barreau ?

NON. Quand bien même serait-il purement indicatif, non obligatoire, et refléterait-il fidèlement les honoraires « usuellement pratiqués et confirmés par la jurisprudence », un document communiquant des fourchettes ou montants minima par type de prestation serait constitutif d’une entente prohibée par l’article L. 420-1 du Code de commerce33. Cette pratique fausse la concurrence car « un tel document est de nature à inciter les professionnels à fixer leurs honoraires selon les montants suggérés plutôt qu’en tenant compte des critères objectifs tirés des coûts de revient des prestations fournies, en fonction de la structure et de la gestion propre à chaque cabinet, et que sa diffusion aux clients était également de nature à les dissuader de discuter librement le montant des honoraires minima qu’il indiquait, faisant obstacle ainsi à la fixation des prix par le libre jeu du marché ».

L’assureur peut-il imposer des tarifs à l’avocat du client ?

NON. « L’existence d’un contrat d’assurance de protection juridique est sans effet sur la détermination des honoraires dus à l’avocat par le client » ; le client demeure libre de choisir son conseil, les honoraires dépassant le plafond de l’assureur étant alors à la charge dudit client

 

IV – SUR LA PROCÉDURE

Les frais exposés par l’avocat pour le recouvrement de ses honoraires sont-ils récupérables ?

OUI. Sur le fondement de l’article L. 441-10 du Code de commerce, une indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 € par facture est due, dès le premier jour de retard, par tout débiteur professionnel en retard de paiement, à l’égard de son créancier ; elle doit être précisée dans les conditions de règlement de la note et de la convention d’honoraires. Si les frais exposés par l’avocat sont supérieurs à 40 €, il pourra en obtenir remboursement sur justification. Tel est le cas des frais payés au confrère qu’il mandaterait pour le recouvrement de ses honoraires.

Une procédure d’exécution forcée en recouvrement d’honoraires peut-elle être mise en œuvre sur le seul fondement d’une reconnaissance de dette du client ou d’une décision du bâtonnier ?

NON. Toute contestation portant sur le recouvrement ou le montant des honoraires d’avocat ne peut faire l’objet que de la procédure spéciale instituée par les articles 174 à 179 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat. Cette contestation doit être portée devant le bâtonnier, en première instance et, en appel, devant le premier président de la cour d’appel. À défaut d’appel, l’ordonnance du bâtonnier doit être rendue exécutoire par le président du tribunal judiciaire. C’est également ce dernier qui est compétent pour instruire, en lieu et place du bâtonnier, les litiges relatifs aux honoraires propres à celui-ci.

En principe, sur le fondement de l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution, une ordonnance du bâtonnier, même irrévocable, rendue en matière d’honoraires, ne peut faire l’objet de mesures d’exécution forcée qu’après ordonnance du premier président du tribunal judiciaire rendant exécutoire ladite décision du bâtonnier. Désormais, l’article 6 du décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021, relatif aux décisions en matière d’honoraires d’avocat, prévoit la possibilité pour le bâtonnier de rendre exécutoires ses décisions dans la limite de 1 500 € ou dans la limite du montant non contesté par les parties – indiqué expressément dans la décision. La procédure devant le bâtonnier est une procédure d’ordre public que l’avocat ne saurait méconnaître, par mise en œuvre d’une procédure d’exécution forcée fondée sur une reconnaissance de dette – l’avocat manquerait alors aux principes essentiels.

Le bâtonnier ou le premier président de la cour d’appel, statuant en matière d’honoraires, peuvent-ils être saisis, à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client ?

NON. Le champ d’application de la procédure spéciale instituée par les articles 174 à 179 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, est très limité. Cette « procédure spéciale prévue par ce texte ne s’applique qu’aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats ; qu’il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président n’ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l’avocat à l’égard de son client résultant d’un manquement à son devoir de conseil et d’information ». Même solution pour la responsabilité de l’avocat qui aurait manqué à son devoir de conseil et d’information envers son client ou à son obligation d’information préalable quant aux conditions de sa rémunération. De même, le juge de l’honoraire doit surseoir à statuer dans l’attente d’une décision de la juridiction compétente saisie pour déterminer l’identité du débiteur des honoraires.

 

Antoine Braci, avocat au barreau de Paris, docteur en droit privé, enseignant à l’université Paris-Panthéon-Assas

En partenariat avec Actu Juridique