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28/11/2023 (Modifié le 28 nov. 2023 à 17:58:03)

Projet de loi immigration et intégration : résolution du Conseil de l'Ordre votée le 28 novembre 2023

Résolution du Conseil de l'Ordre adoptée le 28 novembre 2023.

Résolution du Conseil de l'Ordre adoptée le 28 novembre 2023.

« Le Conseil de l’Ordre des Avocats de Paris, qui a d’ores et déjà proposé des amendements, s’inquiète de la teneur actuelle du Projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », voté par le Sénat le 14 novembre 2023.

Le Conseil de l’Ordre s’alarme notamment des nombreuses mesures qui auront pour effet un affaiblissement général du droit d’asile, mais aussi du droit au respect de la vie privée et familiale, du droit à l’hébergement et du principe de défense de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le texte tend à réduire les protections apportées aux droits des personnes vulnérables, y compris lorsqu’elles sont en situation régulière sur le territoire, et à banaliser le recours à la contrainte, dans les situations ne relevant pas d’un trouble à l’ordre public.

Le projet actuel amalgame étranger et délinquant en rétablissant le délit de séjour irrégulier, pourtant supprimé en 2012 pour se conformer au droit européen. Cette infraction aux contours indéfinis concernera un nombre très important de personnes alors même qu’ils ne menacent en rien l’ordre public et aura pour effet un nouvel encombrement judiciaire et une précarisation durable de la situation des personnes.

S’agissant des droits de l’enfant, le texte n’est pas conforme aux obligations internationales de la France et ne garantit pas la protection effective des enfants, notamment concernant leur rétention administrative. La création d’un fichier des Mineurs Non Accompagnés fait peser un risque important et disproportionné de traitement discriminatoire et d’atteintes au respect de leur vie privée.

Parmi les dispositions les plus préoccupantes, la suppression de l’AME ou encore le conditionnement au séjour régulier pour l’accès à l’hébergement d’urgence constituent de graves remises en cause du principe de dignité et du droit à la protection de la santé qui auront des conséquences mortifères.

Le Conseil de l’Ordre rappelle qu’il incombe pourtant à l’Etat de garantir à l’ensemble des personnes relevant de sa juridiction, y compris les étrangers en situation irrégulière, la possibilité de faire face à ses besoins les plus élémentaires.

Le projet de loi ne répond pas aux enjeux actuels de l’immigration et de l’intégration caractérisés par un sous-effectif chronique des administrations concernées et une dématérialisation dysfonctionnelle des procédures, ce qui provoque déjà de nombreuses ruptures de droits et une défaillance du service public.

En droit d’asile, la généralisation du recours au juge unique, la présence d’un agent de la préfecture aux côtés de l’officier de protection de l’Ofpra lors de l’enregistrement de la demande d’asile en créant une confusion des rôles et conduisant le réfugié à remettre son récit à la préfecture, la productivité et la précipitation, maîtres mots de la réforme à venir, sont inconciliables avec une logique de protection des droits humains.

La Défenseure des Droits le souligne dans son audition par la Commission des lois de l’Assemblée nationale du 17 novembre 2023 en rappelant qu’en l’état, ce texte porte en lui de graves atteintes aux principes constitutionnels de dignité et de fraternité, ainsi qu’à plusieurs droits fondamentaux pourtant protégés par des engagements européens et internationaux.

Le Conseil de l’ordre s’inquiète de ce que ce projet de loi conduise à un déséquilibre croissant du traitement des personnes étrangères et contribue à une fragilisation des droits fondamentaux et à un élargissement des fractures sociales ».