Tous les salariés de plus de 60 ans peuvent désormais réduire leur temps de travail et prendre leur retraite progressivement. Depuis le 1er janvier 2022, le dispositif a en effet été étendu aux salariés en forfait jours, aux dirigeants d’entreprise et à certains travailleurs non soumis à une durée de travail ou dont le temps de travail ne peut être déterminé.
En attendant la réforme des retraites initiée avant la crise liée au Covid-19 et qui revient dans le calendrier parlementaire, les actifs proches de la retraite peuvent décélérer en douceur en s’inscrivant dans le cadre d’un départ à la retraite progressive. Ce dispositif de préretraite est désormais ouvert à presque tous les actifs.
C’est un dispositif de transition entre l’emploi et la retraite. Il permet aux personnes en fin de carrière de réduire leur temps de travail deux ans avant le départ effectif à la retraite. La perte de revenus d’activité (salaire, rémunérations des indépendants, etc.) est compensée par la perception d’une fraction de leur pension de retraite. Le temps de travail peut être réduit de manière significative puisque la durée du travail doit être comprise entre 40 et 80 % pour un temps complet. Autrement dit, le salarié ne peut pas travailler moins de 40 %, ni plus de 80 % de ce temps plein. Ainsi, pour un salarié soumis aux 35 heures par semaine, cela équivaut à une durée entre 14 et 28 heures par semaine. Si le temps de travail du salarié se décompte en forfait annuel de 218 jours, il peut, avec la retraite progressive, travailler de 87 à 174 jours.
Pour en bénéficier, il faut être âgé d’au moins 60 ans et justifier d’une durée d’assurance retraite d’au moins 150 trimestres, tous régimes de retraite obligatoires confondus.
Enfin, ce changement dans les conditions de travail est soumis à l’accord de l’employeur qui peut tout à fait refuser ce droit à un salarié et l’accorder à un autre. Il ne peut d’ailleurs pas non plus l’imposer à ses salariés.
Le salarié exerçant déjà à temps partiel n’a pas besoin de l’autorisation de son entreprise. En revanche, il aura besoin de fournir une attestation délivrée aux régimes de retraite concernés précisant la durée de travail à temps partiel.
Depuis le 1er janvier 2022, presque tous les actifs peuvent bénéficier du dispositif. Jusqu’alors réservé aux salariés dont le temps de travail était décompté en heures et aux indépendants, le dispositif a été étendu de nouvelles catégories d’actifs et, notamment, aux cadres dont la durée de travail est exprimée par un forfait annuel décompté en jours, par le décret du 26 avril 2022 (D. n° 2022-677, 26 avril 2022) pris en application de l’article 110 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, applicable au 1er janvier 2022.
Le dispositif est également étendu à toute une série de travailleurs, non soumis à une durée de travail ou dont le temps de travail ne peut être déterminé, visés par l’article L. 311-3 du Code de la sécurité sociale. Il s’agit des artistes-auteurs, VRP, travailleurs à domicile, employés d’hôtels, cafés et restaurants, ouvreurs de théâtre, journalistes payés à la pige, mannequins, gardes d’enfants, avocats salariés, artistes-auteurs, certains dirigeants d’entreprises, etc.
À noter que le dispositif de cession progressive d’activité n’est plus accessible aux fonctionnaires depuis 2011.
Depuis le 1er janvier 2022, sont également autorisés à demander la retraite progressive les mandataires sociaux affiliés au régime général de la sécurité sociale et à la mutualité sociale agricole (MSA).
Sont ainsi concernés les présidents du conseil d’administration, directeurs généraux et directeurs généraux adjoints de SAS, de SA et des sociétés d’exercice libéral de même type (SELAS), les gérants minoritaires ou égalitaires de SARL ou de sociétés d’exercice libéral de même type (SELARL), les gérants non associés rémunérés de sociétés de personnes. Ne peuvent en revanche pas y recourir les professions libérales relevant de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, ni les avocats non-salariés.
Pour bénéficier du dispositif, le travailleur indépendant (commerçant, artisan) doit tout d’abord répondre aux conditions d’âge et de cotisation. Ensuite, comme il est difficile de comptabiliser la réduction des heures de travail d’un indépendant, la réduction du temps de travail est déterminée après comparaison des revenus de l’année « n-1 » avec la moyenne des revenus des 5 dernières années. Il doit en effet réduire son revenu d’au moins 20 % et d’au plus 60 % par rapport à la moyenne des revenus des cinq années précédant sa demande. De plus, ce revenu doit avoir été supérieur à 40 % du Smic l’avant-dernière année précédant la demande. La règle de la proportionnalité s’applique également : la part de pension de retraite est calculée selon la baisse de revenus. Si elle est estimée à 30 %, l’indépendant pourra percevoir 70 % de sa pension de retraite.
Le travailleur qui demande à passer en retraite progressive doit fournir de nombreux documents à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) : photocopie de chaque contrat de travail à temps partiel ou à temps réduit en cours à la date de départ en retraite progressive, photocopie d’un titre d’identité, photocopie des deux derniers avis d’imposition sur le revenu, relevé d’identité bancaire (RIB), attestation de chaque employeur précisant la durée de travail à temps partiel et la durée à temps complet, applicable dans l’entreprise, exprimées en heures, ou durée de travail à temps réduit et la durée maximale légale, réglementaire ou conventionnelle exprimée en jours.
Pour les non-salariés, selon leur situation, il faudra fournir un certificat de radiation du registre du commerce et des sociétés, du répertoire des métiers ou du registre des entreprises des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, ou certificat de cessation d’activité du chef d’entreprise délivré par la chambre des métiers, une attestation de radiation du tableau de l’ordre professionnel, de radiation des rôles de la contribution économique territoriale, de radiation du répertoire national des agents commerciaux ou encore de cessation d’activité délivrée par la MSA.
Lorsque l’actif demande sa mise à la retraite définitive, la pension de retraite est recalculée en tenant compte des droits supplémentaires acquis pendant la période d’activité à temps partiel ou à temps réduit. Les cotisations versées après le départ en retraite progressive sont prises en compte. La pension de retraite définitive est recalculée selon les règles normales de calcul de la retraite. Son montant ne peut pas être inférieur au montant de la retraite qui a servi de base au calcul de la fraction de retraite progressive.
Selon la règle de la proportionnalité, la pension de retraite est calculée selon la nouvelle durée de travail effectuée. En effet, si l’actif a réduit son temps de travail à 75 %, il perçoit 75 % de son salaire. Il perçoit alors 25 % de sa pension de retraite calculée sur ses droits acquis au moment de son passage à temps partiel. Si le bénéficiaire n’a pas la durée d’assurance nécessaire, une décote spécifique sera appliquée. Pendant cette période de retraite progressive, le salarié continue de cotiser à la retraite.
Plusieurs événements mettent fin à la retraite progressive : la reprise du travail à temps complet, la cessation totale d’activité et la liquidation définitive des droits à la retraite. En cas de reprise à temps plein, l’assuré ne peut plus bénéficier d’une nouvelle période de retraite progressive, sauf s’il est un exploitant agricole.
En revanche, si l’assuré modifie son temps de travail pendant la retraite progressive, celle-ci ne prend pas fin, à condition qu’il reste dans le temps de travail imparti par la loi (ex : entre 40 et 80 % du temps complet pour les salariés). Il doit toutefois prévenir ses caisses de retraite de tout changement de situation pour que sa pension puisse être révisée en fonction du nouveau temps de travail.
La retraite progressive est très différente du cumul emploi-retraite. Ce dernier dispositif permet aux retraités du régime général soit de poursuivre, soit de reprendre une activité professionnelle alors qu’ils ont déjà fait valoir leurs droits à la retraite. De la sorte, ils cumulent les revenus d’activité et leurs pensions de retraite mais la poursuite de l’activité ne permet plus d’acquérir de nouveaux droits à retraite.
Par Annabelle Pando, journaliste