Alors que l’épidémie de coronavirus continue de se propager en France, des salariés sont tentés d’exercer leur droit de retrait pour se protéger. L’occasion de faire le point sur cette possibilité offerte aux travailleurs qui s’estiment en danger. Principe, conditions à remplir, risques encourus : que dit la loi ?
Le droit de retrait est la possibilité pour un travailleur de se retirer de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un risque pour sa sécurité. Il s’agit d’un droit individuel et subjectif consacré par l’article L 4131-1 du Code du travail qui autorise donc chaque salarié, dès lors qu’il en remplit les conditions, à quitter son poste de travail sans l’accord de son employeur.
Le droit de retrait n’est légitime que lorsque le salarié estime courir un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il doit considérer de bonne foi que son intégrité physique est hautement menacée, c’est-à-dire qu’il est confronté à un risque d’accident ou de maladie grave ou mortelle dans un délai brusque ou rapproché. En pratique, le bien-fondé de ce droit s’apprécie donc au cas par cas. En cas de désaccord d’appréciation sur la notion de danger entre le salarié et son employeur, c’est le juge qui tranche a postériori.
L’origine du danger peut être diverse : un processus de fabrication mal adapté, un équipement de travail défectueux, un risque d’agression, une absence de protection… Le droit de retrait a notamment été considéré comme justifié pour un salarié chargé de conduire un camion de chantier dont les freins étaient défectueux, ou bien, dans une autre affaire, pour un salarié chargé de nettoyer des voitures dans un atelier où la température avoisinait les 3 °C. En revanche, il a été jugé illégitime pour un employé qui avait quitté son poste au motif que les courants d'air, dont il se plaignait, présentaient un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé.
Dans le contexte actuel, le droit de retrait d’un collaborateur, à qui son entreprise demanderait, par exemple, de se rendre dans une zone à risque pour effectuer une mission, serait, sans doute, jugé valable. En revanche, si l’entreprise a pris soin d’appliquer toutes les mesures de prévention et de précaution recommandées par le gouvernement (limitation des déplacements professionnels dans les zones à risques, aménagement des postes de travail en cas de retour d’un salarié d’une zone à risque, etc.), le recours à l’exercice du droit de retrait pourrait être considéré comme inapproprié.
Non. En revanche, si l’enfant d’un salarié est placé à l’isolement, et que ce salarié ne dispose pas de mode de garde, il doit contacter son employeur afin d’envisager avec lui les modalités de télétravail qui pourraient être mises en place. Si cette première démarche ne peut aboutir, le salarié sera en droit de bénéficier d’un arrêt de travail indemnisé. Pour ce faire, il devra solliciter son employeur afin que celui-ci remplisse une déclaration spécifique sur le site Internet : https://www.ameli.fr
Le salarié qui fait valoir son droit de retrait doit en informer son employeur. Même si cela n'est pas obligatoire, un écrit (courriel, courrier remis en main propre contre signature ou encore lettre recommandée avec avis de réception) est toujours préférable. Si c’est plus simple pour lui, le salarié peut aussi s'adresser aux représentants du personnel de son entreprise via le comité économique et social (CSE). Quel que soit son choix, il n’a pas à prouver l’existence du danger (il s’agit simplement de son ressenti), ni à obtenir l’autorisation de son employeur.
La situation de danger peut concerner une seule personne ou un groupe de travailleurs. Dès lors, le droit de retrait peut tout à fait être exercé collectivement. Dans un tel cas, chaque salarié informe individuellement son employeur qu'il se retire de la situation de travail dangereuse, ce qui suppose que chacun ait un motif raisonnable de penser qu'il existe un risque grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
Non. Aucune sanction, ni aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur qui s’est retiré d’une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Seul l’abus dans l’exercice du droit de retrait expose le salarié à des sanctions. Méfiance donc tout de même car, si tel est le cas, les risques sont élevés : l’employeur est en droit de retenir sur le salaire du travailleur les heures durant lesquelles il a suspendu son travail ; mais il peut également mettre à pied le salarié, lui donner un avertissement ou, dans les situations les plus graves, le licencier.
Consultez le site du ministère du travail pour suivre la liste des professions concernées et les obligations des employeurs.